Votre formation ou votre emploi de pharmacien pourrait vous amener à devenir pharmacien humanitaire.
Alors que les guerres, les catastrophes naturelles, les inégalités Nord Sud sévissent plus que jamais sur notre planète, les missions humanitaires sont amenées à se structurer et se professionnaliser. Les vocations sont toujours les bienvenues, mais la tendance est au recrutement de véritables professionnels de l’humanitaire, notamment le pharmacien humanitaire qui devient une personne-clé du projet humanitaire. Historiquement gestionnaire d’inventaire, le pharmacien humanitaire a pour vocation de devenir spécialiste en consultation pharmaceutique humanitaire, comme le souhaite Jean-Michel Lavoie, directeur de Pharmacien sans frontières (PSF).
Le pharmacien humanitaire s’invite dans les programmes universitaires
Le monde universitaire a jugé indispensable d’intégrer un volet international au Baccalauréat en pharmacie. Depuis 2007, les 2e et 3e années abordent des notions de coopération internationale, de besoins sanitaires et étudient différents sujets tels que les médicaments essentiels, la malnutrition et la déshydratation, les maladies infantiles, la vaccination, le SIDA ou encore les maladies transmises sexuellement. Cet apprentissage peut se révéler également pertinent pour comprendre les besoins et coutumes des multiples ethnies qui vivent au Canada.
Pharmacien humanitaire : serez-vous à la hauteur ?
Le pharmacien humanitaire est avant tout un pharmacien communautaire, d’industrie ou un biologiste. Une expérience personnelle ou professionnelle sur le terrain est considérée comme un atout. La tâche est immense, car il est à la fois responsable technique de la mission, coordinateur principal avec les autorités sanitaires et médicales et aussi coordinateur médical avec l’équipe composée d’un ou plusieurs médecins. Comme tout pharmacien, il doit démontrer des capacités d’écoute, d’analyse et de dialogue, mais pas seulement. Le fait d’intervenir dans un environnement généralement hostile (conditions pénibles, règles de sécurité, stress) implique qu’il ait développé un parfait équilibre personnel, une très grande maturité et une certaine sensibilité dans les relations humaines. Il doit aussi savoir travailler et vivre en équipe et être patient et tolérant face à la population locale qui doit accepter les changements proposés. Enfin, il doit posséder des bases en gestion, car il évolue dans des programmes où apparaissent des notions d’efficacité avec des objectifs à atteindre et des indicateurs de suivi à respecter.
Pharmacien sans frontières : une institution
Il y a plus de 20 ans, des pharmaciens ont voulu intervenir pour que le manque de médicaments cesse de tuer des millions de personnes : Pharmaciens sans frontières est né. Aujourd’hui, cette association aide près de 20 millions d’individus répartis sur plus de 43 pays avec l’aide de 500 collaborateurs. PSF est constituée à plus de 50 % de pharmaciens et à 10 % de préparateurs, techniciens de laboratoire et médecins. Sa mission est de favoriser l’implantation de dispensaires, d’hôpitaux, de pharmacies publiques en liaison avec les autorités locales, régionales, nationales, voire internationales. Avant toute nouvelle mission, le pharmacien humanitaire, accompagné d’un administrateur, va remplir une fonction d’évaluation (système de santé, ressources et moyens locaux, niveau du personnel médical, protocoles et pathologies recensées) qui sera suivie d’une rencontre avec les autorités pour envisager des partenariats. Par la suite, l’engagement de PSH pourra prendre la forme d’une mission d’urgence, pour donner l’accessibilité géographique et financière du médicament; d’une mission de long terme pour en assurer le suivi et l’autonomie (formation du personnel, réhabilitation d’hôpitaux) et enfin d’une mission d’assistance technique pour remettre en marche les capacités de production industrielle.
Et pharmacien dans l’armée canadienne : vous y avez pensé ?
Présente dans les situations de catastrophe ou d’urgence, l’équipe d’intervention en cas de catastrophe (DART) des Forces canadiennes intervient sur des lieux de guerre pour des opérations de maintien de paix et pour des missions humanitaires. S’engager comme pharmacien auprès de la DART, c’est rejoindre un peloton de soins médicaux qui comporte un laboratoire, une pharmacie, des unités de réhydratation, d’obstétrique et de médecine préventive qui peut accueillir jusqu’à trente patients hospitalisés et plus de deux cents patients externes. Le pharmacien au sein de l’armée n’a plus seulement un rôle de distributeur de médicaments : il passe beaucoup de temps en consultation. Il doit ainsi connaître les effets thérapeutiques du traitement des blessures et des maladies et être capable de traiter la douleur, d’administrer des soins intensifs et de gérer l’approvisionnement en fournitures médicales.
Pour faire partie de la DART, il faut s’engager dans le programme « Enrôlement direct des officiers » soit en tant qu’étudiant en pharmacie soit avec le diplôme déjà en poche. Évoluer dans l’armée présente des avantages pécuniaires non négligeables (versement d’une indemnité pouvant aller jusqu’à 50 000 $, prise en charge des études, des instruments et des fournitures), avec toutefois la contrepartie d’offrir quatre années de service obligatoire. En termes d’évolution, le pharmacien militaire peut aspirer devenir officier des opérations de Service de santé ou poursuivre ses études de doctorat.
Le pharmacien humanitaire est un pharmacien à part entière avec des compétences et aptitudes relationnelles, humaines voire humanistes très fortes. C’est un métier très enrichissant et valorisant sur le plan personnel, mais très exigeant aussi. Alors sachez écouter votre cœur, mais aussi garder raison.