Amazon ne cache pas ses intentions de se lancer dans la vente de médicaments en ligne, une perspective qui pousse l’industrie pharmaceutique québécoise à réfléchir à sa percée du monde numérique. Mais ce n’est tout de même pas demain la veille que les pharmaciens cesseront d’avoir pignon sur rue.
Qu’on se le tienne pour dit, malgré la menace d’une sérieuse concurrence des géants du Web, il est improbable que le milieu pharmaceutique québécois développe des plateformes complètes de vente de médicaments en ligne.
Chez nous, la distribution des médicaments est réglementée pour demeurer sous le contrôle des pharmaciens membres de l’Ordre des pharmaciens du Québec, lesquels n’ont pas pour simple objectif la vente du produit, mais bien l’accompagnement du patient. Selon Christophe Augé, président de l’Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec, « il y a peu de chances que des modèles numériques répondant à tous les critères d’excellence de soins pharmaceutiques puissent se développer, et pour cette raison, concurrencer les géants du web sur leur propre territoire n’est pas une avenue prometteuse. »
La chose inquiète aussi les pharmaciens pour des raisons de sécurité : la plupart sont réticents à faire transiter les ordonnances par voie numérique. Néanmoins, la pharmacie québécoise ne pourra pas y échapper complètement et le milieu cherche son modèle idéal. « Il existe déjà des systèmes de pharmacie postale qui pourraient servir de base à de nouvelles pharmacies en ligne, explique Christophe Augé. Mais c’est envisageable seulement dans la mesure où on pourrait mieux sécuriser le processus de communication des prescriptions. »
Il semble que des avenues soient possibles : certaines compagnies d’assurance au Canada invitent leurs clients à utiliser la plateforme Express Scripts, une pharmacie en ligne où il est à tout le moins possible de renouveler et transférer les ordonnances.
Surtout, les pharmaciens cherchent la meilleure manière de continuer à prodiguer des soins pharmaceutiques par le biais du numérique et constatent de nombreuses limites. Certains, comme le pharmacien Alexandre Chagnon, ont néanmoins pris le taureau par les cornes. Son site Questions pour un pharmacien, alimenté par une centaine de pharmaciens bénévoles, offre des réponses professionnelles aux nombreuses questions des internautes. Familiprix a mis en ligne récemment un site similaire. La pharmacie en ligne Picard Desjardins est également l’une des pionnières en la matière.
Faudra-t-il que le pharmacien du futur sache gérer un site Web ? Passera-t-il ses journées devant son ordinateur à répondre aux questions de ses patients numériques ? Peut-être pas, mais il devra sans doute ajouter cela à son éventail de compétences.